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Dictature démocratique

Faites ce que je dis, surtout pas ce que je fais.

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Unanime, la caste politique européenne s'insurge contre le coup de force présidentiel en Côte-d'Ivoire. Jouant les vierges effarouchées, nos dignes dirigeants hurlent au viol et dénoncent un scandaleux coup d'État. À l'unisson, ils condamnent ceux qui osent nier la défaite des urnes et la transforment en victoire. Ils menacent ces tyrans qui dédaignent le peuple ivoirien. Ils ordonnent de stopper cette mascarade inacceptable. De bien nobles intentions parfaitement justifiées. Oui mais voilà, j'ai le sentiment d'avoir déjà vu ce scénario.

Il y a peu, la machine européenne voulait se doter d'une nouvelle constitution.Les électeurs français et ceux auxquels on a laissé le privilège de voter se sont largement positionnés contre. Tout en affirmant leur volonté de faire une pause dans l'élargissement tous azimuts prônés par la technocratie bruxelloise. En France, d'un coup de baguette magique, le président Sarkozy a transformé le non en oui. Nul besoin de vivre en Afrique pour goûter aux joies de la comédie. Cette constitution était tellement indispensable pour aller de l'avant que l'on s'affaire déjà à la modifier. Il en va de la sauvegarde de certains pays, leur évitant le chaos financier, et surtout de la protection des autres membres. Une preuve de plus que fuite en avant ne rime pas avec précaution. C'est bien gentil de s'inquiéter des troubles qui agitent des populations d'un autre continent. Mais n'est-il pas temps d'observer ces émeutes en Grèce, ce bouillonnement au Portugal, ce désarroi en Irlande et tous les symptômes d'instabilité et de nationalisme qui émergent de-ci de-là dans l'Europe entière. Certes, Bruxelles affiche une superbe façade démocratique, mais derrière, dans les coulisses, c'est le règne du lobbying financier et industriel. Une véritable dictature technocratique bien loin d'être soucieuse des équilibres.

Le mal est profond et le malaise palpable.Barroso a été renouvelé à la Commission, non pas pour ses compétences. Juste parce qu'aucun autre moins mauvais ne sortait du lot. Et quant à la nomination d'un Belge à la présidence de l'UE, on se croirait aux « Guignols de l'info », pas au sein d'une grande puissance. Je n'ai rien contre ce représentant sans pouvoir, mais issu d'un si petit pays englué dans une guerre civile linguistique qui n'en finit pas, est-ce vraiment sérieux pour représenter l'unité d'une Europe forte ? À vouloir aller trop vite en imposant une vision que peu de petites gens partagent, l'Europe s'expose à des replis nationalistes qui risquent de faire exploser la marmite. L'optique libérale qu'imposent, dans les couloirs, le monde de la finance et les industriels n'a de chance de réussite que si les peuples profitent, si peu soit-il, du partage des richesses. On est loin du compte et la machine va vite se gripper.

Pour ne prendre qu'un exemple concernant l'agriculture : la suppression des quotas laitiers.Une décision purement idéologique, qui va juste permettre aux groupes industriels de transformer une matière première bon marché et d'accentuer leurs marges pour le plus grand bonheur des actionnaires. On se moque des répercussions sur les hommes, sur les régions. Encore moins des équilibres et ce, juste pour le profit d'une minorité dans l'ombre, à l'abri des aléas sociaux. Le système des quotas fonctionne, ne coûte rien à la collectivité. Il est assez souple pour s'adapter aux évolutions des marchés. Il offre une forme de sécurité pour l'investissement. Il permet par transfert progressif le développement de régions ou de pays, la stabilité pour d'autres.

On ne change pas un système qui fonctionne, surtout lorsque la seule alternative à proposer s'appelle l'inconnue. La peur ne permet pas d'avancer et inspire plus la fuite. C'est ça le développement ?

ÉRIC CROUHY

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